Mes engagements politiques publics ont commencé avec la percée de Martelly et du PHTK. Intuitivement j’avais compris que rien ne pouvait sortir de bon de cette fange néo-duvaliériste qui a fait de la corruption et de l’incompétence les deux piliers de sa gouvernance. Non pas que cela soit nouveau dans notre histoire tourmentée. Mais après le cataclysme du 12 janvier, de tels choix et cet arrogant cynisme relevaient de la plus grossière indécence.
Mon engagement s’est principalement manifesté sur les réseaux sociaux, une plateforme qui ne souffrait pas de la tiédeur et des positions parfois biaisées des médias traditionnels. C’est également sur ces mêmes réseaux que j’allais me retrouver engagé par la suite dans la longue bataille pour retrouver les fonds de Petro Caribe copieusement dilapidés par le régime et ses associés. Une bataille qui se poursuit encore aujourd’hui dans la rue. Il ne peut y avoir aucune limite, aucun interdit dans cette recherche de vérité et de justice universelle.
Mais les revendications ne servent à rien si elles n’aboutissent pas à des résultats concrets. On parle beaucoup de changement de système ces jours-ci sans trop se mettre d’accord sur le sens même du mot système. Pour moi un système viable s’articulerait autour des valeurs de transparence, de justice, d’équité économique, de progrès. Il supposerait le rejet formel de la médiocrité et de la corruption sous toutes ses formes.
Les partis politiques traditionnels ont pour la plupart échoué à défendre ces valeurs. Les tendances populistes genre Lavalas ou PHTK n’ont pas fait mieux. Elles nous ont davantage enfoncé dans la mal-gouvernance et le sous-développement. J’avais espéré un moment que la mouvance des jeunes PetroChallengers amènerait cette alternative pour le changement mais le mouvement s’est essoufflé dans la division et le refus des engagements individuels.
Pourtant on ne peut pas continuer comme nation dans cette direction suicidaire. À défaut d’un choix idéal, il nous faut faire des choix pragmatiques. Le sauvetage national ne sera pas l’oeuvre d’un individu, il sera l’oeuvre de personnes déterminées oeuvrant au sein d’institutions modernes et crédibles.
Depuis quelques semaines, j’ai rejoint d’abord en observateur le Mouvement de la Troisième Voie avant de m’engager de manière plus définitive. J’ai découvert un mouvement politique en devenir, jeune, dynamique, avec des valeurs orientées dans la même direction que les miennes. Des valeurs qui sans exclure l’entrepreneuriat responsable, ne laissent pas de côté les revendications légitimes des plus défavorisés. J’ai découvert des personnes aussi, des cadres et militants actifs, compétents et créatifs. Le but final est de construire un vrai parti politique moderne, structuré, porteur de solutions, un parti qui n’est pas articulé autour de la personnalité d’un homme seul faisant figure de Messie.
Ce qui m’amène à parler de Reginald Boulos qui se présente comme l’architecte du mouvement et qui en est la figure la plus médiatisée. Pour moi ce n’est pas un péché d’être un homme d’affaire. Il en faudrait d’ailleurs davantage dans ce pays, ne serait-ce que pour élargir le cadre de cette élite un peu endogame. Plutôt que sur les on-dit, je préfère juger quelqu’un sur son CV et ses accomplissements. On dira ce qu’on voudra mais Boulos a réussi sa carrière d’entrepreneur là où bien d’autres auraient lamentablement échoué. Dans son cas on ne peut guère parler de champs de bananes imaginaires ou de faillites retentissantes. Il y a bien sûr ces zones d’ombres largement amplifiées dans l’opinion et exploitées par ses ennemis à chaque occasion. Sur ces dossiers, je lui ai posé des questions directes et franches auxquelles il a largement répondu, à ma satisfaction et souvent documents à l’appui. En tout état de cause et jusqu’à preuve du contraire ce n’est pas à moi de lui faire un procès d’intention. Je suis bien placé pour savoir comment dans ce pays l’opinion peut être médisante et cruelle. D’ailleurs à ce jour, si j’ai bien compris, tout architecte du mouvement qu’il est, Reginald Boulos reste un membre comme un autre de la Troisième Voie astreint aux mêmes critères de droiture et d’intégrité.
Qu’un « nanti » se retrouve aujourd’hui de ce côté de la barrière des revendications populaires, je conviens que cela peut étonner. Il expliquera sans doute mieux que moi ses raisons profondes et personnelles sans doute liées à sa longue carrière au sein du plus grand bidonville de Port-au-Prince. Mais il n’y a pas là une grande première historique tant au niveau national qu’international. L’exemple le plus fameux est celui des Castro issus d’une famille de grands propriétaires terriens. On a eu ici même les frères Izmery qui ont payé de leur vie leur engagement auprès des masses défavorisées.
C’est donc pour moi une expérience nouvelle que j’entame sans renier les valeurs pour lesquelles je me suis battu, en espérant au contraire les intégrer dans la dynamique de ce nouveau projet. Je n’y ai pas encore trouvé de contradiction ou d’obstacle à mes engagements pour la compétence et l’assainissement de notre société. Je reste fidèle à mes combats contre la corruption. Un mouvement politique est d’ailleurs un outil plus efficace pour porter plus loin ces revendications et les faire aboutir. Le changement ne se fera pas par télécommande, il exige de chacun sa part de risque et de détermination.
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