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Comment la diaspora peut aider à sauver Haiti

Une chose est certaine: pour se relever, le pays aura besoin d’encadrement et d’expertise. Massivement. On n’arrivera à rien avec des charlatans et des incompétents. Ce sont pourtant eux qui occupent en ce moment les espaces du pouvoir. Ceux qui ont encore la formation ont depuis longtemps perdu l’intégrité et contribuent largement à l’entretien de ce sytème pourri et vicié. Il faut aussi constater que le niveau d’éducation n’a cessé de baisser depuis au moins trente ans. Très peu de diplômes universitaires haïtiens sont reconnus tels quels à l’étranger. Sans compter que nous sommes à la traîne dans tout ce qui est technologique ou scientifique. Alors que faire ?

Dans les années soixante, le duvaliérisme a chassé la plupart de nos cadres qui se sont éparpillés en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord. Nous ne nous sommes jamais remis de cette première hémorragie et de ses vagues successives. Nos meilleurs professionnels ont aidé à construire les pays fraichement indépendants de l’Afrique francophone et ont contribué fortement au développement du Québec et des  États de la côte Est des États-Unis. Nous avons perdu nombre de médecins, d’ingénieurs et surtout d’éducateurs.

On ne peut pas donner ce qu’on n’a pas. Force est de reconnaitre que beaucoup de nos cadres locaux, quel que ce soit leur degré de motivation, ne sont pas à la hauteur des tâches colossales qui nous attendent si nous devons développer ce pays. L’expérience a aussi démontré que les “experts” étrangers n’obtiennent pas de grands résultats à part peut-être faire grimper les loyers et alimenter le taux d’inflation. La coopération internationale semble plus faire l’affaire des pays amis qui recyclent ainsi une partie de leurs chômeurs potentiels.

Tôt ou tard, nous devrons faire comme d’autres pays (je pense au Rwanda par exemple) et faire appel à la crème de notre diaspora. Nous avons en ce moment en poste à des niveaux élevés tant du secteur public que du secteur privé, dans plusieurs pays, un nombre incalculable de ressources. Il faut les inciter à revenir, ne serait-ce que de manière temporaire, en leur offrant bien sûr des avantages. Il faut mettre en place avec ces pays partenaires une nouvelle forme de coopération où, plus que l’argent, ce seraient des cadres qu’ils nous prêteraient en priorisant massivement nos concitoyens exilés. Ils pourraient leur offrir des mises en disponibilité de 3 à 5 ans, couvrir une partie de leur salaire, les encadrer de professionnels subalternes étrangers…

Je ne m’attends pas qu’une telle approche soit la bienvenue parmi nos escrocs et voleurs de tout poil qui profitent du vide actuel pour étaler leurs tentacules et se faire un nom et des poches remplies là où normalement ils n’existeraient même pas. Il y aura de la résistance. Déjà qu’on a tout fait pour maintenir la diaspora à l’écart du système. On aime bien les transferts (on ne vit que de ça) mais on leur refuse toute participation. La vérité est qu’on en a peur. De leur côté, il faudra aussi que ceux qui acceptent de relever le défi ne succombent pas à la tentation de “s’haitianiser”, dans le mauvais sens du terme. On l’a vu même avec des étrangers (je pense aux Clinton et à Digicel) qui récupèrent à leur profit tous nos défauts et mauvaises habitudes. Si nous pouvons fonctionner correctement à l’étranger, nous devons appliquer ce même standard d’excellence à ce que nous faisons ici. Il n’y aucune raison pour qu’Haiti soit toujours synonyme de bricolage ou de rapiécé. Mais tout cela ne pourra se faire sans la mise en place d’institutions solides avec des règles claires, un souci de l’éthique et un régime de sanctions aveugles contre tout contrevenant, quel que soit son rang.

Je rêve, je le sais. Mais c’est un rêve tout à fait réalisable si pour une fois nous privilégions l’intérêt collectif et le faisons primer sur les appétits individuels. Il nous faut comprendre qu’en détruisant ce pays nous nous débarrassons de notre unique roue de secours, celle qui pourra nous dépanner dans nos vieux jours, ou que nous soyons. Il ne suffit pas de vouloir mettre la main à la pâte. Il faut encore que cette main soit habile et intègre sinon ce sera (comme depuis longtemps) l’indigestion assurée.

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