Depuis au moins l’occupation américaine (la première, celle de 1915), les dirigeants haïtiens ne jurent que par les infrastructures. Le développement se conjugue en kilomètres de routes, ponts, centrales électriques et autres ouvrages. Cette période a vu la construction des grands axes nationaux, du barrage de Péligre, des aéroports de Port-au-Prince et du Cap-Haitien, entre autres. Mais on ne peut que constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous, qu’on n’arrête pas depuis de refaire un peu les mêmes choses.
Des routes, des ponts et des centrales, on en a construits sous Estimé, sous Magloire, sous Duvalier, sous Préval… Jusqu’à Duvalier, on pensait encore à l’entretien. Il y avait une structure fonctionnelle en place à cet effet au sein du Ministère des Travaux Publics. Après, ce fut la vaste débandade. La politique prit le pas sur les institutions. Ça fait plus joli de jouer au pompier avec une instance qui dépend plus ou moins directement de la Présidence, même si bien peu de résultats s’inscriront dans la durée. Mais qu’importe ! Le bluff durera le temps d’un mandat. Par exemple, le CNE de René Préval s’inscrit tout à fait dans cette logique.
Construire des écoles et des hôpitaux c’est bien sûr nécessaire et ça fait de jolies photos. Mais que sont ces écoles sans enseignants qualifiés, que sont ces hôpitaux sans un système de santé adapté et performant ? On investit pas mal dans les infrastructures mais presque pas dans l’humain. Les universités sont insuffisantes et peu performantes, la formation professionnelle totalement négligée. En l’absence d’ingénieurs et de techniciens qualifiés, les équipements et machines se retrouvent assez rapidement hors d’usage et presque toujours, on préfère racheter plutôt que réparer.
Il ne faut pas croire que tout ceci n’est que pure incompétence. Il y a sans équivoque volonté de mal faire. Que deviendraient les commissions juteuses si les investissements étaient faits pour durer ? Chaque nouveau gouvernement arrive avec son cortège de petits amis qu’il faut assez vite engraisser. Alors que la République Dominicaine a choisi depuis longtemps de relier ses principales villes par des autoroutes à 4 ou 6 voies, nous préférons multiplier les petits chemins que nous baptisons de noms pompeux et que nous devons refaire 3 ou 4 fois en 20 ans. Nous faisons fonctionner nos centrales thermiques au Diesel parce qu’il se détourne plus facilement que le mazout pourtant plus économique. Nous préférons distribuer des contrats de lampadaires solaires plutôt que d’investir dans des solutions aussi propres mais durables à long terme. La liste est longue, presqu’infinie, et n’arrête pas de s’allonger.
Le développement c’est une vision globale. Où veut-on aller ? Comment ? Avec quels moyens ? Il faut dépasser les petits intérêts mesquins ou claniques. Il y aura plus à gagner pour tous dans un pays qui fonctionne. On ne peut pas avancer sans infrastructures mais les infrastructures à elles seules ne garantissent pas le progrès. Il faut encore des hommes et des femmes pour les gérer efficacement, les adapter à nos besoins spécifiques, les améliorer et les entretenir. Il ne faut pas que ce soient simplement des prétextes pour enrichir des individus ou des groupes, pour faire de jolies photos à des fins de propagande. Investir dans la formation de l’humain c’est certes beaucoup moins photogénique mais c’est incontournable si on veut faire autre chose que de la stérile démagogie.
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