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Mea culpa

Page du Nouvelliste

J’ai lu cette semaine un article qui brosse le portrait d’un ancien haut fonctionnaire, ancien diplomate et ancien ministre des administrations haïtiennes depuis Duvalier père jusqu’à Martelly. L’homme partage ses opinions, ses réflexions et surtout ses regrets. Il fait en quelque sorte son mea culpa autour de ses contributions volontaires ou involontaires à notre chaos actuel. C’est déjà ça, diront certains. Il fait ce que d’autres ne font pas, ne feront sans doute jamais. Mais n’est-ce pas un peu facile ? Cela suffit-il pour se dédouaner ?

Quand on a fréquenté tous ces sommets du pouvoir, cela fait de vous un témoin privilégié (et possiblement un complice) de toutes ces errances, ces compromissions, ces choix criminels, ces oublis assassins. On ne me fera jamais croire qu’un homme, fut-il le pire tyran ou dictateur, supporte seul le poids de la responsabilité des actes posés sous sa gestion. Il les accomplit avec le soutien actif ou silencieux de tous ceux qui l’entourent et qui, d’une manière ou d’une autre, en bénéficient également.

Il y ceux qui restent et s’accrochent même parfois, malgré les évidences de malversations, dérives ou crimes. On n’attend pas de personnes formées et a priori compétentes qu’elles soient complètement aveugles.

Il y a aussi ceux qui choisissent de ne pas être là, de ne pas faire partie de la clique, au risque de rester dans une certaine précarité, au risque même d’être inquiétés ou persécutés. À la salissure, ils opposent la dignité.

Il y a enfin ceux qui se trompent de bonne foi et qui ont la décence de démissionner, claquer la porte, qui parfois ont le courage de protester, dénoncer, au prix de leur liberté ou de leur vie, qui n’attendent pas que le temps passe pour venir se présenter avec la gueule enfarinée des repentirs tardifs et sans doute quelque peu opportunistes. 

On parle beaucoup de changer le système en ce moment. Mais le système en soi, ce n’est qu’une abstraction, une vue de l’esprit. Il n’existe pas sans ces hommes et ces femmes qui le composent et qui permettent son épanouissement. C’est bien d’assumer ses tristes contributions à cet État prédateur, destructeur de vies et de biens, mangeur d’espérances surtout. Mais il faut plus que des larmes de crocodile. Il faut aussi assumer la jouissance qu’on a eue d’appartenir à ce système, les bénéfices, les dessous de table, les regards détournés ou carrément voilés. Un premier pas serait de nous éclairer sur ce que nous ne savons pas encore, au lieu de nous amener vers les lieux communs de la publique notoriété.

Trop facile d’avoir mangé à tous ces râteliers, mangé et remangé, pour nous servir aujourd’hui la soupe de l’amère contrition. Dans l’espoir sans doute de rebondir et de manger encore.

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